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NE PAS TOUCHER

La restitution des biens culturels

Trône
du roi Béhanzin

Le trône du roi Béhanzin figure parmi les collections du Musée du quai Branly. Il a été offert en 1983 par le général Dodds à l’amiral Henri Rieunier, ministre de la marine.

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Figé dans le temps pendant plus de cent ans, le 23 novembre 2018, le président français décide de faire éclater la bulle spatio-temporelle à laquelle il était suspendu afin d’envisager ses modalités de restitution à son pays d’origine. Plongé dans un profond sommeil jusqu’à aujourd’hui, le rapport Sarr-Savoy tente alors de le réveiller. Placé dans l’antichambre du gouvernement français, le trône du Béhanzin devient un instrument de politique et de diplomatie. Le 11 février 2019, il entame son trajet retour dans son pays natal et se transforme, en arrivant sur place, en objet culturel et économique.

Rapport
Sarr-Savoy 

Le « Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain. Vers une nouvelle éthique relationnelle » a été commandé en mars 2018 par Emmanuel Macron aux universitaires Felwine Sarr et Bénédicte Savoy suite au discours de Ouagadougou. Il a été remis au président de la république en novembre 2018.

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Croisant des enjeux politique, culturel et juridique, la restitution de ces objets est cependant loin de faire l’unanimité. Cette volonté politique vient ainsi créer un débat autour des solutions qui peuvent être apportées à des demandes de restitution qui datent parfois des indépendances. Mobilisant des savoirs très variés, allant de l’histoire de l’art jusqu’au droit, chacun des acteurs engagés sur ce sujet n’envisage pas de fait la question de la même manière.

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« En confiant à Bénédicte Savoy et à Felwine Sarr un rapport sur la « restitution » des œuvres d’art africaines à l’Afrique (terme très connoté puisqu’il présuppose que les œuvres sont illégalement conservées en France), le Président de la République prenait, à notre sens, un véritable risque pour les musées »

— Didier Rykner,

Journaliste et historien de l’art

Aussi, si tout le monde s’accorde à dire que ces objets requièrent un traitement spécifique, c’est le traitement en question qui est à la source de nombreux désaccords aujourd’hui. Pour comprendre comment le problème de la restitution des biens culturels s’était constitué, il semblait donc fondamental de partir de ce qui était au cœur même du débat : l’objet en question et la manière dont il vivait dans chacune des sociétés où il se trouvait. Quelle vie alors pour ces objets, et quelle politique ? De quelle manière l’attachement de chaque société à ces objets le transforme-t-il ? Que fait la restitution à ces biens culturels ? Comment affecte-t-elle leur destinée ?

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Valeur du bien culturel, place de l'objet, conditions de la restitution et sens d'une telle entreprise : voilà 4 façons d'envisager la question et d'y répondre... de manière radicalement différente à chaque fois.

Dans le royaume du Dahomey, au sud-ouest de l’actuel Bénin, le trône du roi Béhanzin mène jusqu’à la fin du XIXe siècle une existence pieuse. Admiré, adulé, adoré, il fait l’objet d’un culte de la part du peuple dans lequel il vit. Mais le 18 novembre 1892 le général Dodds décide de s’emparer de la capitale, Abomey, et pille toute la région. Avec lui, ce sont alors des centaines d’objets appartenant au peuple de cet espace qui disparaissent et quittent le Bénin pour la France. C’est ici que commence le voyage du trône du Béhanzin jusqu’à nos jours.

 

Sur la rivière du Styx, le trône traverse d’abord la frontière française et est placé dans une demeure de verre au musée du Quai Branly. Objet de culte et de pouvoir à haute valeur symbolique, le trône du roi Béhanzin se meut alors, au sein de cet édifice, en œuvre d’art. C’est le début de sa seconde vie.

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Cette épopée, c’est celle que sont amenés à vivre de nombreux biens culturels africains aujourd’hui en France. À la suite du discours d’Emmanuel Macron à Ouagadougou en novembre 2017, le gouvernement français s’est en effet engagé à mettre en œuvre un dispositif de restitution des biens culturels spoliés par la France aux pays d’Afrique subsaharienne lors de la colonisation. Il s’agit d’un projet qui s’inscrit dans une entreprise plus large de rétablissement des relations avec le continent africain et répond aux multiplications récentes de demandes de restitution à la France par l’Afrique. En 2018, Patrice Talon, le président du Bénin, prononçait un discours à la tribune de l’UNESCO afin de demander au sein de cette arène le retour de biens qui « n’attendent qu’à revenir dans leur environnement naturel, en vue de leur renaissance. » À sa suite, de nombreux autres pays africains ayant fait l’objet de spoliations durant la colonisation, exprimaient également le souhait de voir revenir chez eux ces objets.

"L'unique problème est notre incapacité à entendre ce que souhaitent ces pays”

— Vincent Negri,

Chercheur au CNRS

Historiens et artistes tendent par exemple à mettre en avant la valeur du bien culturel dans la politique de restitution tandis que les conservateurs de musée s’accordent à dire que c’est la conservation de l’objet qui doit être prise en compte au premier plan. Pour de nombreux juristes ce sont les modalités du processus de restitution en tant que telles qui posent problème. Enfin, la plupart des acteurs africains et des anthropologues envisage la restitution du point de vue de sa finalité et des objectifs qu’elle doit accomplir. L’histoire de chaque objet est donc primordiale car c’est elle qui détermine pour chacune des parties, tout le processus de restitution : celui-ci dépend à la fois de la valeur attribuée par chacun à ces objets, de la manière dont ils ont été mis au contact des populations durant leur durée de vie, et de la volonté politique des pays concernés. Cette histoire n’est pas figée, ni connue pour tous les objets concernés mais le contexte de domination historique entre la France et l’Afrique a motivé la décision politique de retourner les biens culturels qui auraient été acquis dans les pays d’Afrique subsaharienne.

“La restitution annoncée de 26 objets au Bénin s’inscrit dans un processus de revendication aussi exemplaire que nécessaire.”

— Corinne Hershkovitch,

Avocate

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